"ETRE ARTISTE, C'EST TOUTE UNE VIE…"

Publié le par Fondation Abdelkader ALLOULA

 undefined L'activité théâtrale en Algérie a une histoire; elle est le résultat de nombreuses contributions de dramaturges algériens qui se sont acharnés, chacun dans un genre particulier, à créer, mettre en scène, interpréter, divertir sur des questions fondamentales de la vie de nombreuses générations d'Algériens.

 

L'enracinement du théâtre dans la vie culturelle de la cité nécessite la capitalisation des expériences, l'exploitation des données documentaires, la lecture, l'étude, la publication, l'information en même temps qu'il répond à un acte civilisationnel.

                  

Le fonds documentaire du Théâtre Régional d'Oran (T.R.O.) possède à son actif et faisant partie de son répertoire l'une des expériences les plus fécondes du théâtre algérien; la pratique créatrice de Abdelkader Alloula ouvre des voies de recherche, de prospection, d’expérimentation et d'expérience tant dans le domaine théorique que dans celui de la création artistique proprement dite.  "Je peux faire du théâtre tout seul dans une boîte de chemma (tabac à chiquer), mais ça ne m'intéresse pas…" (A. Alloula)

           

 Alloula s'inscrit, à travers sa quête théâtrale, dans le "courant artistique arabe" qui puise son essence dans "l'utilisation du patrimoine culturel populaire" et dont "l'objectif principal (est) de déboucher sur un genre théâtral ayant l'impact le plus fort sur notre spectateur" (Notes de Alloula pour sa conférence du 10 mars 1994).

            

C'est ainsi que Alloula fait une étude approfondie des différentes formes d'expression culturelle : El Mounafara

             - El Hakaouati - El Samar - El Kissas - El Makamate.

                    Parlant d'"El Ajouad", Alloula précise : "… m'inspirant des sources populaires et universelles, je travaille à créer un nouveau statut pour le spectateur algérien, un statut faisant de lui un élément actif et désaliéné dans la représentation (…) La nouvelle théâtralité que je propose est toute induite dans le mot, dans la parole, dans le récit et l'agencement de la fable. En fait, je donne à écouter une ballade, un récit sur des modes particuliers d'agencement théâtral et j'invite le public à créer, à recréer avec nous sa propre représentation pendant le déroulement du spectacle. Dans cette théâtralité, il y a simultanément acte de la parole et la parole en acte qui travaille fondamentalement dans le sens de donner à l'oreille à voir et aux yeux à entendre. Il y a, je dirai, une dégustation pluridimensionnelle de la parole théâtrale. Nous suggérons au spectateur, et cette suggestion le pousse à voir dans la vie avec les yeux de son expérience, de son capital propre de vécu, de connaissance, de conscience, à la fois la société et lui-même…"  (Interview de M'hamed Djellid, octobre 1985).    

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 Et cette "parole théâtrale" est dite dans une langue avec laquelle on communie jusqu'à la jouissance suprême des émotions, des images; une langue qui conjugue poésie et prose pour mieux rimer avec nos sens; une langue qui travaille les catégories de la raison, du sentiment, du social…

                  

 Les chantiers de réalisation d'une pièce théâtrale sont une véritable école de théâtre. Les "lectures l'italienne" étaient des séances de formation, de conceptualisation, de théorisation autour de l'art théâtral, de son histoire, ses formes, ses contenus, sa fonction sociale. Alloula animait des exposés sur l'expérience du théâtre universel, orientait des lectures sur le plan bibliographique, prêtait des ouvrages aux comédiens distribués, débattait du travail artistique en cours pour stimuler l'enthousiasme et la créativité de la troupe avec laquelle il travaillait collectivement et individuellement en fonction des limites objectives et subjectives des interprètes.

                    

Les représentations dites "Générales" des pièces théâtrales de Alloula ont toujours constitué des événements culturels très forts dans la ville d'Oran, devant un public jamais rassasié, en attente d'une nouvelle création.

                   

 Alloula a emporté avec lui le dernier-né "El Imlaq" (Le Géant) en gestation depuis "El Lithem", mais inachevé…

                  

 Des travaux universitaires, tant en Algérie qu'à l'étranger, sont soutenus avec succès grâce aux efforts des étudiants et à leur persévérance malgré le peu de documents qu'ils trouvent au petit bonheur la chance çà et là, au gré des bonnes volontés individuelles.

                  

 Alloula réalise sa première mise en scène en tant qu'amateur, dans le cadre de l'Ensemble théâtral oranais, avec  la pièce "Les Captifs" de Plaute ("El Asra"), adaptée par Mohamed Abid ; c'est en 1962. 

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Il est appelé, en 1963, à faire partie de la troupe naissante du Théâtre National Algérien (T.N.A.), au lendemain de la nationalisation de ce dernier. Il participe avec quelques artistes, notamment Mohamed Boudia, Jean-Marie Boëglin, Mohamed Bengana, A. Kaki, à l'élaboration du Manifeste du théâtre national algérien.

           

 Celui-ci "sera partisan du réalisme révolutionnaire; réalisme qui dénonce la décadence et qui construit l'avenir. Il sera partisan de la vérité dans le sens le plus profond, celle qui vivifie, et non la vérité du détail superficiel, qui désoriente…"

                   

 L'art n'est-il pas la recherche de la vérité ? Une perpétuelle recherche ?…

             

De 1963 à 1965, Alloula joue dans les pièces suivantes : "Les Enfants de la Casbah", "Hassan Terro", La vie est un songe", "Le Serment", Don Juan", "Roses rouges pour moi", "La mégère apprivoisée". Il assiste Allel El Mouhib dans la mise en scène de ces deux dernières pièces; c'est en 1964. La même année, Alloula met en scène "El Ghoula" de Rouiched et en 1965, "Le sultan embarrassé" de Tewfik El Hakim. Alors qu'il n'a que 27 ans, il dirige en 1966, pendant une année, l'Ecole nationale d'art dramatique et chorégraphique de Bordj El Kiffan (ENADC).

                   

 De retour au T.N.A. en 1967, il adapte et met en scène "Monnaies d'or" avec un groupe de jeunes comédiens dont la moyenne d'âge n'excède pas les 22 ans. L'objectif de cette troupe est de pratiquer un théâtre expérimental et de recherche, de propager la représentation théâtrale en direction des publics des régions retirées. Habituellement, les tournées du T.N.A. se limitaient à cinq villes : Oran, Alger, Annaba, Constantine, Sidi-Bel-Abbès. La diffusion théâtrale de cette jeune troupe toucha 80 villes.

                    

Alloula quitte le T.N.A. en 1968 pour suivre des études théâtrales à la Sorbonne et à l'Université de Nancy. Il n'y reste pas longtemps pour revenir à Oran où il est recruté en tant que metteur en scène par A. Kaki, alors Directeur du Théâtre National de l'Ouest Algérien (T.N.O.A.). Il y monte, fin 1968, "Numance".

            

C'est ainsi qu'en 1969, Alloula propose son premier texte théâtral "Laalegue" (Les Sangsues) qu'il met en scène et dans lequel il est distribué. En 1970, il récidive avec "El Khobza" qui révèle le comédien Mohamed Adar. Cette année-là, tout le personnel artistique est licencié pour une question de rénovation du bâtiment du T.N.O.A.

Alloula revient au T.N.A. avec "Homk Salim", premier monologue du théâtre algérien, qu'il monte en se mettant en scène lui-même; c'est début 1972.

 

Le 14 novembre 1972, Alloula est nommé directeur du Théâtre Régional d'Oran (T.R.O.) pour mener la première opération de décentralisation théâtrale. Il  s'attache à faire de la décentralisation une dynamique de promotion de l'art théâtral en créant des espaces privilégiés de création (les ateliers d'écriture et de réalisation  collectives), de formation (analyse critique des textes de théâtre proposés à la direction), d'animation culturelle (représentations des troupes d'amateurs, spectacles de variétés, expositions diverses, journées d'étude, séminaires, projections de films, montages poétiques, spectacles pour enfants etc.).

 

Toutes ces actions ont constitué des cadres de recherche, de prospection, de réflexion, de débats, de théorisation sur l'art théâtral, sa fonction sociale, les arts d'accompagnement et en général sur la culture. 

 photo-05.jpg C'est sous l'impulsion de Abdelkader Alloula que, durant la période 1972-1975, le T.R.O., tout en combinant une intense activité en matière de diffusion de l'activité théâtrale et diverses activités culturelles, a dégagé "la politique des ponts" qui consistait à aller vers des publics divers (élaboration d'une scène mobile et démontable), à nouer des liens avec les institutions les plus variées (entreprises, APC, administrations, œuvres sociales etc.) en vue de les intéresser aux produits théâtraux et culturels par un système de conventions, de placements de billetterie, d'offres  de spectacles gratuits ou à des prix préférentiels… Les tournées se déplaçaient non seulement dans les villes, mais utilisaient ces villes comme bases de rayonnement vers les villages les plus reculés, ce qui élargissait et approfondissait le spectre de diffusion.

                    

Je tiens ici à souligner la contribution de M. Brahim Djaffar à qui je rends hommage pour avoir passé, en 1974, 258 jours loin de sa famille pour préparer ou régir des tournées à travers le territoire national.

                   

 C'est à partir de ce moment-là que le théâtre s'ouvre aux amateurs, aux universitaires. Alloula recrute deux universitaires dans les fonctions d'administrateur et d'animateur de l'activité théâtrale. Le sociologue M'hamed Djellid commence à défricher le terrain vierge de la connaissance du mouvement théâtral en Algérie en s'intéressant particulièrement - avec sa curiosité et ses outils théoriques - aux troupes de théâtre amateur; il en fait une étude sociologique approfondie dont les résultats sont contenus dans sa thèse intitulée "L'activité théâtrale en Algérie : 1945-1980 - Essai d'approche sociologique des tonalités groupales expressives et super-structurelles" qu'il soutient en 1985 (en trois tomes de 700 pages chacun, dont le seul exemplaire disponible se trouve à la bibliothèque du CRASC d'Oran).

 

Le T.R.O. est à l'initiative de la tenue, en avril 1973, du Séminaire de Saïda, séminaire qui a regroupé toutes les troupes de théâtre amateur de l'Ouest algérien, en présence de professionnels du théâtre, de réalisateurs, d'universitaires, de peintres (Mohammed Khadda, Denis Martinez, Zerrouki…), d'étudiants volontaires.

            

Le T.R.O. prêtera assistance et aide aux amateurs de théâtre en mettant à leur disposition des locaux de répétitions, en leur prêtant du matériel technique et de transport (un vieux car à l'époque).

                    

C'est à la même époque que fut proposé et discuté un avant-projet portant création d'une Université Populaire de Théâtre qui ne vit jamais le jour étant donné l'absence de moyens financiers, techniques et pédagogiques disponibles au niveau du T.R.O.

                    

Toutefois, certains travailleurs, dont je fais partie, furent encouragés et autorisés à poursuivre des études universitaires.

                    

En 1975, le T.R.O. vit tout son personnel artistique distribué dans "Hout Yakoul Hout" et "Hammam Rabi". En même temps, et sur l'initiative de Alloula, un ensemble de comédiens fraîchement diplômés de l'Ecole nationale d'art dramatique de Bordj El Kiffan,  entreprirent une expérience d'activité théâtrale pour enfants. L'écriture et la réalisation collectives de la pièce "En Nahla" se sont accompagnées d'une approche psychologique et pédagogique de l'enfant, de débats, de questionnaires, de lectures du texte théâtral aux enfants des écoles etc.

 

En six mois de diffusion, plus de 120 représentations ont touché quelques 60.000 jeunes spectateurs, écoliers pour la plupart. Les spectacles avaient lieu au théâtre même et un moment d'animation était organisé par les comédiens avec les jeunes spectateurs qui débattaient du contenu de la pièce, des décors, des costumes et essayaient un moment les masques de jeu. Après cela, les comédiens offraient aux enfants les textes des chants du spectacle et les faisaient chanter en chœur avant de les quitter.  Transformé en pouponnière, le vieux bâtiment ravissait un moment à la rue des dizaines de milliers d'enfants, retrouvant ainsi une noble fonction : celle d'offrir un cadre chaleureux pour que se forme, se divertisse et que chante l'homme de demain. 

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Lorsqu'en janvier 1976,Alloula accepte d'assumer la direction du Théâtre National Algérien, il laisse aux mains des travailleurs du T.R.O. une entreprise en bonne santé, dotée des textes fondamentaux de gestion, de fonctionnement et d'orientation du travail artistique (textes approuvés par l'Assemblée Générale au cours des Journées d'étude et de conception du T.R.O., en décembre 1975), pour hériter d'un théâtre marginalisé dont il redynamise l'activité en organisant des manifestations culturelles, d'un mois chacune, sous les titres : "24 février" - "Mai théâtral" - "Ramadhan 76" - "Novembre 76". Et c'est après onze mois de travail acharné qu'il se vit "gentiment remercié" puisque "…la conception qu’il (Alloula) s'est faite de sa mission est en inadéquation totale avec les exigences de la tutelle…" (Termes de la Décision ministérielle).

                     

En janvier 1979, le ministère de l'Information et de la Culture met sur pied une Commission des théâtres dont Alloula est membre; commission qui devait se pencher sur la résolution des problèmes relatifs à l'absence du statut juridique de l'entreprise théâtrale, de l'artiste, sur les textes de fonctionnement, d'orientation, de gestion, de formation etc. A considérer l'importance des tâches que se fixait cette Commission des Théâtres, il est pour le moins malheureux de constater qu'elle se soit éteinte sans résultat aucun, très peu de temps après sa création. Une autre commission est convoquée en janvier 1981 sur les mêmes problèmes à résoudre; elle subit le même sort que la première.

Entre temps, Alloula écrit "Lagoual" (Les Dires) qu'il monte en 1980 au T.R.O. Et là, nous redécouvrons les grandes capacités artistiques d'interprétation de Alloula dans le personnage de Ghecham. Cette pièce s'est vu refuser  l'autorisation d'être filmée. La commission de lecture de la Télévision algérienne a dû - certainement - en juger le contenu "subversif"… Qui sait ? Les représentations étaient suivies d'un débat avec le public. C'est ainsi qu'en mai 1980 à Constantine, un spectateur a dit que "Lagoual" était "un tournant décisif dans l'histoire du théâtre algérien" et que c'était "la pièce la plus forte et la plus belle de toute la littérature algérienne". A la même époque, Alloula se prononce sur l'importance de sa contribution créatrice en qualifiant "Lagoual" de "travail qui peut contribuer à l'émergence d'un théâtre algérien profondément lié au patrimoine culturel populaire". Ce fut la seule fois, sa pudeur et sa modestie légendaires l'ayant toujours empêché de sombrer dans l'autosatisfaction.

                     

Le 4 juillet 1985, c'est la générale d'"El Ajouad" qui consacre le passage du dramaturge Abdelkader Alloula du "théâtre illustratif" au "théâtre narratif" et révèle un Sirat Boumédiène (Diden pour les Oranais) époustouflant dans le personnage de Djelloul El Fhaïmi avec lequel il rafle le très envié prix de l'interprétation masculine au Festival National du Théâtre Professionnel à Alger et au Festival International des Journées théâtrales de Carthage en octobre et novembre 1985.

                     

En juillet 1990, avec la suppression du ministère de la Culture, Alloula est appelé avec d'autres artistes et hommes de lettres à faire partie du Conseil National de la Culture (C.N.C.), sous la présidence de Abdelhamid Benhadouga. La composante du C.N.C. s'organise en commissions de travail autour des disciplines artistiques représentées en son sein.  Alloula est alors vice-président de la Commission des Arts Dramatique, Lyrique et Chorégraphique. Il se remet une nouvelle fois au travail autour de la même problématique : les questions organisationnelles et de gestion du procès de création et de diffusion de la représentation théâtrale en tant qu'objet de travail fondamental et principal de l'entreprise théâtrale d'Etat.

                    

Alloula  organise des débats dans les théâtres avec les personnels toutes catégories socioprofessionnelles confondues, d'une part, et avec les directeurs d'autre part.  Sur la base des différentes discussions, des besoins et des objectifs d'une gestion rationnelle de la culture, Alloula propose au C.N.C. un dossier portant "Plan global de redressement" pour chaque théâtre. En même temps que ses visites aux théâtres d'Etat (national à Alger et régionaux à Oran, Sidi-Bel-Abbès,, Constantine, Annaba, Batna et Bejaïa), Alloula rencontre et s'entretient avec des personnes et groupes culturels. Il conçoit et estime financièrement la création de trois festivals : de théâtre pour enfants - de théâtre amateur - de théâtre professionnel, ainsi que la création d'un Théâtre national pour l'enfance et la jeunesse, d'un Théâtre d'art et d'essai et d'un Centre national de documentation et d'archives du théâtre.

                     

Parallèlement à ce combat qu'il mène sans relâche, Alloula anime la vie culturelle à Oran : il fonde avec tous les hommes de culture d'Oran une association culturelle, "Ibdae" (Création) qui voit le jour en février 1988 et dont l'activité concerne les disciplines suivantes : le roman et la nouvelle, la poésie, la critique et les études littéraires, les arts plastiques, le cinéma, les techniques audio-visuelles, le théâtre, la musique et la chanson. Il est en contact permanent avec les troupes de théâtre amateur, assiste à leurs répétitions, débat et oriente leurs travaux artistiques. Il aménage des espaces culturels en suivant de très près les travaux de réfection de deux salles de cinéma abandonnées : "Le Marhaba" (ex-Escurial) et "Espace culturel Souiah El Houari " (ex-Georges V) : le premier, pour une activité culturelle en direction de l'enfance et la jeunesse, le second pour le théâtre expérimental, la tenue de conférences et d'expositions. Il fonde, avec un groupe de comédiens du T.R.O., en mai 1989, la "Coopérative théâtrale du Premier Mai", dont les objectifs tournent autour de trois axes : la formation, la recherche  et la production. L'activité de la coopérative s'inscrit en tant que soutien au secteur d'Etat. La pièce théâtrale "El Ajouad" est reprise pour être donnée en représentation dans les lycées de la ville d'Oran devant des milliers de lycéens et souvent en plein air dans les établissements scolaires. Une représentation fut offerte aux malades de l'hôpital psychiatrique de Sidi-Chahmi.

                     

Alloula est membre fondateur de l'Association d'aide aux enfants cancéreux. Il participe et suit quotidiennement les travaux de réfection du Centre de postcure de Cap Blanc pour les enfants cancéreux, leur rend visite, seul souvent, pour leur parler jusqu'à ce qu'un sourire se dessine sur leurs lèvres... Et là, il pose sa grande paluche sur leurs têtes que les séances de chimiothérapie ont dégarnies…  Alors qu'il demande à tous ses proches de ne pas faire les gâteaux de l'Aïd cette année-là, étant donné que le mois de Ramadhan 1994 a été particulièrement sanglant avec la multiplication des attentats terroristes, il offre des vêtements neufs à des jeunes filles de l'Assistance ainsi que du henné pour embellir leurs mains. "C'est un bon présage…", leur dit-il.

                   

Et c'est deux jours avant la fête de l'Aïd, le jeudi 10 mars 1994, à 21h.30, que Alloula  tombe sous les balles des terroristes, à quelques mètres de son domicile.

                    

La vie de Abdelkader Alloula…  c'est l'histoire de l'épopée de sa passion pour le théâtre, de son amour pour l'Algérie et son peuple, de son humanisme… Sa mort ?…En traversant le rayon de lumière, les balles assassines le démultiplient en mille étincelles éparses qui s'accrochent çà et là, lumineuses et éternelles. Elles éclairent de l'esprit et de l'âme de Alloula les lieux où son dire a vibré… Les rues d'Oran sont hantées. Peut-être qu'à un détour de ruelle, apparaîtra sa haute stature rasant les murs de sa démarche nonchalante… L'on rencontrera son regard candide perdu dans quelque cogitation créatrice d'une œuvre artistique qui nous interpellera… L'on revivra l'émotion de ses petits gestes quotidiens : un regard, un sourire, un silence, une écoute attentive, une main tendue…  L'on caressera encore le rêve que sur la terre d'Algérie, arrosée quotidiennement par le sang, les larmes, la douleur, la détresse, se lèvera l'aube de matins lumineux. 

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Sur les pages de l'histoire de l'Algérie, le nom de Abdelkader Alloula est écrit en lettres d'espoir pour la Liberté, la Paix, l'Amour, la Dignité… Celui de ses assassins en sera  à jamais absent...
                                            

                                                                   Oran, le 4 juillet 1998, [RAJA ALLOULA]

Publié dans Sur Alloula

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